La Success Story du Whisky Japonais !
La Success Story du Whisky Japonais !

Au commencement, il y a l’Écosse

Si la popularité du whisky japonais est plutôt récente de notre côté du globe, sa naissance remonte pourtant au début du 20ème siècle et on doit finalement beaucoup à l’Écosse dans cette success story !

C’est en effet là-bas que Masataka Taketsuru, connu comme le père fondateur du whisky japonais, a fait ses armes (et rencontré celle qui deviendra sa femme), entre autres au sein des distilleries de Longmorn et de Hazelburn (Campbeltown), alors qu’il poursuivait ses études de chimie organique à l’université de Glasgow.

Revenu au Japon en 1923, il travaille tout d’abord main dans la main avec celui qui deviendra son principal concurrent, Suntory, puis fonde Nikka quelques années plus tard et prend son envol !

Pendant de longues années, l’industrie du whisky japonais sera donc (et l’est d’ailleurs toujours aujourd’hui) largement dominée par ces deux mastodontes : Suntory et Nikka, qui inondent le marché domestique, et plus tard international, de leurs jus. Hibiki, Yamazaki, Yoichi, Hakushu, Taketsuru… Ces noms vous disent certainement quelque chose ? Et bien oui, malgré la multiplicité des références il s’agit néanmoins de deux seules et uniques maisons derrière toutes ces belles bouteilles !

Ji-Whisky et nouvelles distilleries

Suite à l’avènement du whisky japonais sur la scène internationale ces dernières décennies, de nouveaux acteurs ont néanmoins réussit à émerger. C’est tout d’abord le cas du ji-whisky, ces whiskies qui jusqu’ici restaient destinés à une consommation locale et ne sortaient pas des frontières, en provenance de distilleries plus confidentielles. Il s’agit d’ailleurs souvent de distilleries de Shochu (le spiritueux japonais le plus consommé) qui surfe sur la tendance afin de diversifier leur production, et pourquoi pas ?

Mais plus que de la simple diversification par des distilleries existantes, on a vu naître ces dernières une véritable course aux projets !

Outre ces jeunes pousses, certaines distilleries historiques ont réussi également à sortir leur épingle du jeu, grâce à des whiskies originaux, travaillés, pointus… Jusqu’à devenir le graal des amateurs de whisky. C’est le cas de la super-star Chichibu, fondée en 2007 par le talentueux Ichiro Akuto, qui n’est autre que le petit-fils du fondateur de la non moins célèbre distillerie de Hanyu, ayant fermé ses portes en 2000 (dont Ichiro a racheté une partie des stocks).

Le Japon n’échappe pas non plus à la tendance « whisky rare » et UN nom est sur toutes les lèvres : KARUIZAWA, distillerie qui comme sa cousine Hanyu, a cessé de produire en 2000 (mais rouvrira ponctuellement ses portes en 2006 durant un mois pour former un certain Ichiro Akuto à la distillation…) et dont les jus atteignent aujourd’hui des sommes folles.

Que les amateurs de malts nippons se réjouissent, la société Karuizawa Distillers a annoncé il y a quelques années (en 2020) construire une nouvelle distillerie, dans la localité de Komoro, à quelques encablures des ruines de la mythique distillerie fantôme, et ce n’est autre qu’un certain Ian Chang qui sera aux manettes (ancien Master Distiller de Kavalan). Bref, un projet à suivre de très très près et peut-être le futur meilleur whisky japonais (si tant est qu’il en existe réellement un « meilleur » tant ce titre est subjectif) ?
 
La terrible pénurie et ses conséquences

Conséquence terrible du gain soudain de popularité du whisky japonais hors de ses frontières ? Une pénurie de jus âgés, qu’on a petit à petit vu s’installer ces dernières années avec le retrait d’éditions iconiques comme Yamazaki 12, 18, Yoichi 10 etc.

Pourquoi une telle pénurie ? Tout simplement car l’industrie du whisky est une industrie de prédiction : comment prévoir la demande sur un produit 10, 12 voire 20 ans en avance ? Les distilleries japonaises n’avaient certainement pas envisagé la tendance, tellement celle-ci n’était de toute façon pas prévisible.

Qu’à cela ne tienne, si en effet les fûts de vieux whiskies se vident à vitesse grande V, les distilleries japonaises rebondissent et inondent le marché de whiskies dits « sans mention d’âge », c’est-à-dire, des assemblages de whiskies de différents âges, dont certains jus plus jeunes viennent donner du répondant à leurs vieux cousins restés plus longtemps au chaud dans leurs vaisseaux de bois.

Et ça marche ! L’une des grandes forces du whisky japonais étant l’art de l’assemblage, nombre de ces références sans mentions d’âge connaissent un vif succès. On peut par exemple citer Nikka Days, Nikka From The Barrel, Nikka Coffey Grain, Yoichi Single Malt, Nikka Coffey MaltTogouchi Kiwami et autres Akashi Meisei et Tokinoka (distillerie de White Oak).
 
Attention aux fakes !

Néanmoins il faut toujours rester sur ses gardes lorsqu’on parle de whisky japonais. Jusqu’à très récemment, il était encore possible de simplement faire importer du whisky en vrac sur le sol japonais pour que celui-ci soit automatiquement naturalisé en tant que « whisky japonais » à son arrivée sur l’archipel.

Une zone grise dont ont profité de nombreux acteurs peu scrupuleux dans un but purement lucratif. En effet, la montée des prix sur le segment (due à la demande croissante – particulièrement en Occident - et à l’offre devenue restreinte) a fait apparaître sur le marché pléthore de whiskies faussement japonais (« whisky du monde » tout au plus, c’est-à-dire mélange de whisky japonais et étranger). Quelques kanjis savamment calligraphiés sur l’étiquette et le tour était joué ! Même certaines grandes maisons se sont adonnées à ces pratiques pour le moins un peu douteuses !

Une nouvelle législation ?

L’appellation « Whisky Japonais » devrait bientôt être plus encadrée grâce à la mise en œuvre il y a quelques mois (Avril 2021) d’une nouvelle loi visant à mettre un terme aux usurpateurs d’identité qui gangrènent la catégorie depuis de longues années.

Un whisky japonais devra ainsi être brassé, fermenté, distillé et vieilli pendant une durée minimale de 3 ans, et tout ça sur le sol japonais. Dehors donc les jus importés et naturalisés ! Un très grand pas pour les consommateurs.

Mais ce n’est pas si simple que ça… En effet, si la volonté d’une telle régulation existe bel et bien, telle qu’exprimée par l’organe à l’origine de l’initiative, en réalité il ne s’agit pas, pour le moment, d’une véritable obligation légale mais simplement d’une recommandation de la Japan Spirits & Liqueurs Makers Association. Bref, aucune sanction légale ne pourrait être mise en place pour les entreprises ne souhaitant pas suivre ces nouvelles recommandations…

Par ailleurs, la majorité des acteurs du whisky japonais ont certes accepté de se mettre en conformité (ce qui comprend la mise à jour des étiquettes etc.), mais ont encore jusqu’au 21 Mars 2024 pour le faire : il faudra donc rester vigilants pendant encore quelques années et certainement encore davantage.

Néanmoins, Nikka, l’une des plus grandes maisons de whisky japonais, a d’ores et déjà mis à jour – sur son site web – les informations relatives à la provenance de ces whiskies, et on les félicite !
 
Quand le Japon met en valeur son terroir : le Mizunara

Loin des ersatz de Scotch Whisky, le whisky japonais a su tirer profit des richesses de son territoire pour créer des produits uniques. Si l’art du blend (assemblage) à la japonaise n’est aujourd’hui plus à présenter, certaines initiatives méritent néanmoins d’être plus connues et mises en valeur.

C’est par exemple le cas de l’utilisation du chêne Mizunara (variété de chêne japonaise endémique), que ce soit pour la construction des cuves de fermentation (washbacks) de certaines distilleries (coucou Chichibu) ou évidemment pour l’élaboration des fûts dans lequel le spiritueux passera tout ou partie de son vieillissement. Cette essence de chêne est un petit bijou de bois apportant notes de bois de santal, effluves floraux et autres arômes de noix de coco, d’épices et d’encens.

Un exemple parfait de ce type de vieillissement : la série Yamazaki Mizunara, dont la dernière sortie date de 2017, évidemment aujourd’hui devenue presque impossible à trouver, et loin d’être abordable par le commun des mortels !

Il est d’ailleurs bien complexe de travailler avec le Mizunara, une variété de chêne particulièrement poreuse et rare (il faut attendre 200 ans environ avant de pourvoir couper les chênes, qui ne poussent d’ailleurs souvent pas droit et sont très difficiles à travailler), d’où les tarifs souvent plus élevés de ce type de whiskies.

Focus sur deux distilleries prolifiques : Miyagikyo et Yoichi

Le groupe Nikka compte en son sein plusieurs distilleries, dont les iconiques Miyagikyo et Yoichi, respectivement situées sur l’île de Honshu (non loin de la ville de Sendai) pour la première et sur l’île de Hokkaido (à quelques dizaines de kilomètres de la ville de Sapporo) pour la seconde.

La paisible Miyagikyo bénéficie d’un environnement unique et d’un emplacement particulièrement stratégique : Masataka Taketsuru aura mis plusieurs années à trouver cet emplacement idéal, au cœur d’une région connue pour ses nombreuses sources d’eau chaude, qui permet à la distillerie de bénéficier d’un air particulièrement pur et d’un taux d’humidité idéal.

Particularité japonaise, la distillerie se situe sur une zone sismique, c’est-à-dire, propice aux tremblements de terre, comme dans beaucoup de régions du pays.

Distillerie hyper moderne, Miyagikyo n’en est pas moins prolifique et particulièrement intéressante à visiter grâce à ses nombreuses installations tourist-friendly qui comptent un restaurant, un bar ou encore un centre d’accueil des visiteurs dernier cri !

Sa cousine Yoichi, première distillerie construite par son emblématique fondateur Masataka Taketsuru en 1930 aux débuts de l’ère Nikka. S’il choisit la ville de Yoichi pour fonder sa première distillerie, c’est également pour son environnement unique non loin des tourbières de la plaine d’Ishikari. Un lieu qui rappelle les Highlands écossais que ce dernier connait bien après ses différentes expériences au pays du Scotch Whisky.

L’une des particularités de la distillerie : elle possède sa propre tonnellerie et ça c’est très stylé ! Les alambics sont chauffés à nu, une pratique ancestrale devenue quasi-inexistante aujourd’hui en Écosse.

Spiritourisme au Japon : quelles distilleries visiter ?


Depuis quelques années, l’archipel nippon est devenu une destination prisée des amateurs de whisky.

Quelques autres distilleries à visiter si vous envisager de parcourir les routes japonaises à la découverte de votre spiritueux préféré :

1) CHICHIBU : la distillerie ne possède malheureusement pas de centre de visiteurs mais je vous encourage néanmoins à les contacter à l’avance si vous souhaitez visiter, il est possible de s’y rendre sur rendez-vous et c’est un véritable must-see pour tout amoureux de whisky !
A noter qu’il n’est pas non plus très facile de s’y rendre, mais avec un peu de volonté, visiter Chichibu peut se faire en une excursion d’une journée au départ de Tokyo (prenez le train – environ 35 minutes – de Tokyo à Chichibu, avec une correspondance à Kumagaya). Une fois arrivée à la gare de Chichibu, une vingtaine de minutes en taxi vous amèneront aux portes du paradis !

Attention cependant à ne pas vous tromper, depuis quelques années, Chichibu a ouvert une seconde unité de production à quelques pas de sa première distillerie, mais c’est bien dans la première que je vous conseille d’aller jeter un œil !
 
2) YAMAZAKI : Si vous voyagez dans la magnifique région de Kyoto, je vous conseille évidemment une halte à la mythique distillerie de Yamazaki qui quant à elle propose différentes visites guidées, et même un petit musée !
Le « Yamazaki Whisky Museum », au sein d’un bâtiment de 2 étages, vous guidera à travers l’histoire de la distillerie et de son emblématique fondateur, Shinjiro Torii.
Une visite classique de la distillerie dure environ 80 minutes et se termine par une dégustation de quelques références. Attention, la visite est en japonais mais la distillerie propose des audio-guides en anglais, français et Mandarin !

Mais outre les distilleries, c’est également la façon de consommer le whisky au Japon qui est particulièrement intéressante, un arrêt est donc obligatoire dans l’un des somptueux bars à whisky que compte la capitale Tokyo, pour découvrir la boisson locale : le Highball !

Le highball qu’est-ce que c’est exactement ? Il s’agit tout simplement de whisky allongé avec de l’eau gazeuse dans un grand verre. Un long drink si simple et pourtant si délicieux, surtout lorsque le whisky est bien choisi. Less is more paraît-il, et les Japonais l’ont bien compris.