LA TOURBE
« Je préfère les whiskies tourbés » ou « servez-moi votre whisky le plus tourbé s’il vous plaît ! », tant de phrases que vous avez très certainement déjà entendues au détour d’un bar ou d’une conversation entre amis.
Si à ce moment-là vous n’avez pas osé demander plus de détails quant à ce mystérieux adjectif, ne bougez-pas, nous allons tenter de percer les secrets de cet ingrédient miraculeux !
Qu’est-ce que la tourbe et où la trouve-t-on ?
« La tourbe est une matière organique fossile formée par accumulation sur de longues périodes de temps de matière organique morte, essentiellement des végétaux, dans un milieu saturé en eau. La tourbe forme la majeure partie des sols des tourbières. Séchée, elle donne un combustible brun à noirâtre qui chauffe moins que le bois et le charbon. »
Une matière organique en décomposition donc… Rien de bien appétissant à première vue, alors pourquoi l’industrie du whisky ainsi que les amateurs de nectar ambré en sont-ils fous ?
Il faut savoir qu’il y a de nombreuses années, la tourbe n’était pas du tout utilisée pour ses propriétés gustatives mais uniquement en tant que simple combustible… Il s’agissait en réalité de la source d’énergie la plus accessible et la moins chère en Écosse et était donc utilisée par toute la population. Les distilleries utilisaient ainsi la tourbe afin de chauffer les alambics (laissant comme vous pouvez l’imaginer une odeur assez forte dans la distillerie…).
Les tourbières (là où on trouve la tourbe), appellées « peat bogs » en anglais, sont particulièrement anciennes, leurs couches ont mis entre 1000 et 5000 ans pour se former et peuvent atteindre une épaisseur de plusieurs mètres. Chaque tourbière croît d’environ 1mm par an, une tourbière d’environ 3 mètres d’épaisseur a donc aux alentours de 3000 ans !
Mais alors comment la tourbe parvient-elle à faire de mon whisky préféré ce liquide fumé si caractéristique ?
Beaucoup de personnes ont tendance à imaginer que l’eau utilisée pour la production de whisky, sur Islay par exemple (île connue pour ses whiskies tourbés), coulant à travers le sol tourbé de l’île, est la raison pour laquelle le produit final possède se profil aromatique terrien ? Il n’en est rien ! Malgré son aspect « marronasse » à l’arrivée à la distillerie, et bien que l’eau soit un élément fondamental dans la production de whisky, celle-ci ne contient en réalité qu’une infime proportion de tourbe qui à elle seule ne pourrait en aucun cas vous fournir votre fameux Laphroaig 10, Lagavulin 16 ou Ardbeg Uigeadail…
Les distilleries obtiennent leur whisky tourbé en séchant l’orge au-dessus d’un feu de tourbe, au sein d’un bâtiment connu sous le nom de « kiln » (vous avez peut-être déjà vu ces toits de distilleries en forme de petites pagodes ? Ce sont les toits des kilns !) – Le temps de séchage dépend des distilleries, la plupart du temps autour de 30 heures, mais pour faire simple : plus le temps de séchage de l’orge est long, plus votre whisky sera tourbé.
Le degré de tourbe d’un whisky s’exprime en « phenols par million » (ou PPM pour les plus initiés), qui correspond à une mesure de concentration. C’est simple, plus le nombre de PPM est élevé, plus votre whisky est tourbé !
Finalement, il est important de noter que la mention « xx PPM » sur votre bouteille de whisky correspond à la concentration en phenols de l’orge et non du spiritueux.
Connaissez-vous l’Octomore ? Il s’agit d’un whisky produit par la distillerie Bruichladdich, sur la célèbre île d’Islay, et du haut de ses 258 ppm, peut se targuer d’être « le whisky le plus tourbé au monde » ! (Attention cependant, il existe différentes versions de ce fameux monstre de tourbe, et toutes ne sont pas aussi tourbées).